Le monde du vin prend conscience de la réalité du réchauffement climatique. Les épisodes météorologiques extrêmes s’enchaînent et donnent raison aux prédictions du Groupement d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC). Avec 2° C de plus en 40 ans dans le sud de la France, nous avons demandé à notre Sommelier John Euvrard quelles sont les conséquences du réchauffement climatique sur le vin.
Conséquences sur le vignoble et le vin
Pertes massives de rendement
Le Proceedings of the National Academy of Sciences a publié une étude selon laquelle 56% des régions viticoles mondiales sont vouées à disparaître avec un réchauffement de 2°C.
Le réchauffement climatique va impacter les rendements à cause de plusieurs facteurs :
- Les fortes chaleurs, la succession des épisodes de sécheresse et le stress hydrique fatiguent la vigne. Résultat, les vignes se fatiguent plus rapidement et nécessitent un renouvellement plus régulier.
- Le dérèglement climatique a multiplié les épisodes de sécheresse, orage, grêle, gel qui détruisent les vignes. Lorsqu’un ou plusieurs de ces épisodes se passent pendant une période clé du développement de la vigne comme lors de la floraison, la production de raisins est largement diminuée ou de moins bonne qualité.
- L’augmentation de la contrainte hydrique diminue la présence d’eau dans les grappes, les grappes sont plus petites ou moins juteuses, les quantités de vin sont donc moins importantes.
Changement du profil aromatique des vins
Avec le réchauffement climatique, le cycle végétatif du raisin s’est avancé. Les cycles phénoliques s’enchaînent plus rapidement. La maturation et les vendanges sont de plus en plus précoces. Or, idéalement, la récolte devrait se faire à maturité et lorsque les températures redescendent.
Les températures sont plus élevées pendant le stade de maturation, ce qui entraîne une hausse du taux de sucre. La quantité de sucre dans les grappes s’envole et avec elle, le taux d’alcool. Les équilibres entre alcool et acidité sont difficiles à trouver. Le manque de fraîcheur et d’acidité a un impact sur la garde du vin. Plaisant dans les premières années, il ne possède pas la fraîcheur nécessaire pour traverser les années. Au cours de nos différentes dégustations, nous retrouvons davantage de fraîcheur dans les vins en biodynamie. La vie du sol, la préservation de l’écosystème et de la biodiversité semblent avoir un impact positif sur l’équilibre du vin.
Les leviers d’adaptation au changement climatique
Les travaux de la vigne
A la vigne, tout est fait pour que les épisodes extrêmes impactent le moins possible le vignoble. Les vignerons ont découvert que lorsque les températures sont trop fortes, la maturation du raisin se bloque. Un travail important est fait à la vigne pour éviter que la température ne grimpe trop :
- Suppression de l’effeuillage (pour protéger les raisins du soleil avec les feuilles).
- La chaleur étant plus importante au niveau du tronc, le vigneron cherche à élever la hauteur de la vigne grâce à la taille.
- Palissage de la vigne plus haut afin qu’elle soit protégée du soleil.
- Le recours à la bio et la biodynamie pour préserver la biodiversité et la vie des sols.
- Agroécologie avec notamment l’agroforesterie qui apporte de l’ombre au vignoble, méthode mise en place par le Château Cheval Blanc à Saint-Emilion.
Par ailleurs, les vignerons adaptent le matériel végétal. En ce sens, l’IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin) cherche des améliorations variétales et améliore la sélection de porte-greffes. De cette manière, les viticulteurs accèderont à des variétés plus résistantes.
Les vignerons jouent également avec les différents cépages. Dans les régions et appellations qui utilisent plusieurs variétés, le vignoble intègre progressivement une majorité de cépages tardifs. Les cépages précoces comme le pinot noir ou le merlot seront remplacés par des variétés plus résistantes à la chaleur. Grenache, mourvèdre et trebbiano seront davantage utilisés. Ces changements sont déjà visibles dans les régions viticoles françaises. A Bordeaux, le cabernet sauvignon et le petit verdot reprennent peu à peu l’avantage sur le merlot. En Bourgogne, l’aligoté fait son retour quand le Val de Loire privilégie le cabernet franc. L’adaptation du vignoble au réchauffement climatique est possible mais le profil aromatique des vins changera par la même occasion.
Vers de nouvelles perspectives ?
Pour certaines régions, le réchauffement climatique serait une aubaine. Il permet de contrer certaines fragilités du terroir historique et d’augmenter la qualité phénolique du raisin. Ainsi, le Val de Loire a bénéficié d’une augmentation de 1 degré en cinquante ans. La hausse des températures et la sécheresse croissante permettent d’atteindre une maturation optimale et de limiter l’exposition aux maladies.
Certains vignerons partent à la conquête de nouveaux terroirs, plus frais. Ils acquièrent des terres en altitude ou dans des courants d’air frais afin de contrer le réchauffement climatique. La Patagonie, par exemple, devient le nouvel El Dorado des vignerons argentins et chiliens pour sa fraîcheur. En Europe, les conditions climatiques de certaines régions du nord permettront le développement de la viticulture. La Pologne, l’Allemagne ou encore le Royaume-Uni accueillent d’ores et déjà des producteurs. Le Champagne Taittinger a notamment investi au sud-est de Londres, dans le Sussex et le Kent pour, produire un vin effervescent.
Entre migrations et remises en question, les vignerons font face à de nombreux challenges pour relever le défi du réchauffement climatique. Notre sommelier, John Euvrard partage avec vous sa vision en vidéo.