À l’occasion de son départ à la retraite, Henry De Ruffray, maître de chais du Château Rauzan-Ségla, a accordé une interview à Cavissima. Depuis 1987, il a mis tout son talent à l’oeuvre pour faire renaître la belle endormie et inscrire les cuvées du domaine parmi les plus grands vins du Médoc.
Rauzan-Ségla, une institution de Margaux
En 4 siècles d’histoire, le domaine a connu des hauts et des bas. Il a été créé en 1661 par Pierre Desmezures de Rauzan puis est resté sous la direction de la famille pendant plus de 2 siècles. En 1866, la propriété, classée Second Grand Cru en 1855, change de mains avant de connaître de nombreux propriétaires au cours du XXème siècle.
La famille Wertheimer, également à la tête de la Maison Chanel et du prestigieux Château Canon à Saint-Emilion, acquiert le domaine en 1994 et entreprend de nombreux travaux de rénovation.
Les vins sont réputés pour leur puissance teintée de finesse, de fraîcheur et empreints du terroir magnifique de Margaux. Ils se dévoilent grâce à leur élevage minutieux et à leur potentiel de garde incroyable. Au fil des millésimes, le Château Rauzan-Ségla est devenu une référence de l’appellation grâce à l’énergie et l’intelligence déployées par Henry De Ruffray, son maître de chais depuis plus de 30 ans.
Il revient pour nous sur sa carrière dans les murs des caves du célèbre Second Grand Cru de Margaux.
Interview, Retour sur la carrière de Henry De Ruffray
Cavissima : Pouvez-vous nous décrire votre parcours ? Comment êtes-vous arrivé à Rauzan-Ségla ?
Henry De Ruffray : Je suis fils de militaire, sans prédisposition particulière à la vigne. Le vin a juste été pour moi une grande découverte et une grande passion.En 1982, j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur de l’ENITA (Ecole Nationale d’Ingénieurs des Travaux Agricoles depuis devenue Bordeaux Sciences Agro). J’ai travaillé 2 ans comme Chef de culture au Château Hanteillan puis j’ai enseigné 2 ans la viticulture et l’oenologie.
Enfin, je suis arrivé au Château Rauzan-Ségla en répondant à une petite annonce de “Sud-Ouest” au bon moment. J’y ai exercé pendant 32 ans.
Cavissima : Quelles ont été les évolutions majeures de Rauzan-Ségla en termes de viticulture et de vinification ?
HDR : L’achat en 1994 de la propriété par les frères Wertheimer a permis d’investir partout et de mettre en place une vraie politique de qualité. Le vignoble est passé de 40 hectares à 70 hectares maintenant. J’ai connu à peu près 30 ans de travaux divers avec de nouveaux bâtiments, une nouvelle cuverie, du matériel et des chais neufs. Aujourd’hui, l’outil est magnifique.
Cavissima : Pour vous, quel millésime de Rauzan-Ségla vous ressemble le plus ?
HDR : Drôle de question ! De 1987 à 2019, j’ai travaillé avec toute l’équipe à faire le meilleur possible, et certaines années ça a été plus dur que d’autres.
Cavissima : Quel millésime préférez-vous ? Quel est celui qui vous surprend le plus à la dégustation ?
HDR : Difficile de répondre, c’est un peu comme si on demandait lequel de ses enfants on préfère… J’ai quand même une petite tendresse pour le 2010.
Le 2001 est certainement le millésime qui me surprend le plus aujourd’hui. Il est excellent à boire depuis quelques années. Il se révèle être un grand millésime un peu oublié, très classique, avec une superbe évolution en bouteille.
Cavissima : Quel millésime vous a posé le plus de difficultés ?
HDR : Certainement le premier, le 1987, de triste mémoire ! Ca été un millésime difficile, tardif, pluvieux, donc vendange pas mûre et pourrie, et mon premier à Rauzan. Pour débuter ça n’a pas été simple mais très formateur, on apprend mieux dans la difficulté. Ce millésime n’a pas laissé un grand souvenir à Bordeaux, mais je m’en souviens très bien !
Sinon chaque millésime a eu son lot de difficultés. Le plus facile à faire reste le 2005.
Cavissima : Pouvez-vous partager avec nous un souvenir mémorable à Rauzan-Ségla ?
HDR : Je me souviens d’une grande dégustation avec d’un côté des œnologues émérites et de l’autre, des nez du parfum. Toutes ces personnes passionnées se sont rassemblées autour de vins magnifiques. Les échanges entre ces personnes étaient très intéressants.
Cavissima : Si vous aviez une baguette magique, comment l’utiliseriez-vous sur Rauzan-Ségla ?
Evidemment, j’utiliserais cette baguette pour avoir une météo exceptionnelle d’avril à octobre, avec juste ce qu’il faut de pluie, de soleil, au moment propice pour faire des vendanges d’exception.
Cavissima : Enfin, avez-vous un conseil à donner à votre successeur ?
Fonce ! Ne te demande pas ce que j’aurais fait. Prend autant de plaisir à faire du Rauzan-Ségla que j’ai pu en avoir.
Chez Cavissima, nous espérons de tout cœur que la qualité des millésimes du domaine s’inscrive dans la continuité des précédents et surtout de l’exceptionnel 2018 qui nous laisse des trémolos dans la voix. Nous remercions Henry De Ruffray d’avoir partagé son expérience avec nous et lui souhaitons une très bonne continuation !
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