Au détour d’une escapade en Bourgogne, nous sommes partis à la découverte d’une “petite” productrice sur l’appellation Gevrey-Chambertin : Sylvie Esmonin.
À travers le récit de cette rencontre et des dégustations associées, Cavissima.com vous invite à un savoureux voyage au coeur du terroir Bourguignon.
16 novembre 2018, avant 9h – Le Départ
Au beau milieu de l’automne, le froid s’est ancré dans notre belle région lyonnaise.
Il est à peine 8h45, la brume nous entoure, de la buée sort de nos paroles, nous partons. Mon espoir est incertain mais je me laisse à penser que le temps va aller en s’améliorant et que notre destination se dévoilera sous un ciel dégagé. Heureusement que l’espoir fait vivre… Nous atteignons notre destination dans une jolie purée de pois !
J’entends encore Thierry Goddet me “rassurer” en me rappelant à quel point “c’est normal ici ”. Ah !
Les villages défilent et les premières appellations de Bourgogne commencent à se dessiner dans ce décor fascinant, presque mystique.
Après avoir passé le Beaujolais, le Mâconnais, puis la Côte Chalonnaise, nous atteignons la Côte de Beaune et enfin la Côte de Nuits.
Un petit rappel théorique de la classification des vins de Bourgogne est la bienvenue.
En Bourgogne, on distingue 4 types d’appellations :
– Régionales qui représentent 50% de la production totale
ex : Bourgogne aligoté, Bourgogne Passetoutgrain..
– Villages, 38 % de l’aire viticole, 44 AOP.
ex : Mercurey, Pommard, Nuits-Saint-Georges,..
– Premiers Crus qui recensent les différents “climats”. 10% de la production.
ex : Volnay 1er cru “Les Caillerets”, Meursault 1er Cru “les Perrières”
– Grands Crus qui expriment la singularité de 33 parcelles d’exception.
ex : Corton, Montrachet, Charmes Chambertin, Romanée-Conti…
Cela me rappelle les très pertinentes paroles de Bernard Pivot (Président du Comité de soutien de l’Association pour l’inscription des climats du vignoble de Bourgogne au Patrimoine de l’Unesco).
« En Bourgogne, quand on parle d’un climat, on ne lève pas les yeux au ciel, on les baisse sur la terre »
L’impressionnante complexité des appellations de cette région reflète toute la diversité du terroir Bourguignon, et le savoir-faire de ses vignerons.
16 novembre 2018, 10h58 – Rencontre avec Sylvie Esmonin
Arrivés sur la Commune de Gevrey-Chambertin, nous nous arrêtons chez Mme Esmonin, notre première étape.
Depuis maintenant 20 ans, Sylvie Esmonin dirige son domaine d’une main de maître.
Avec ses presque 8 hectares, cette femme (je le souligne car leur proportion reste encore faible) produit environ 25 000 bouteilles par an.
Cette quantité limitée et la qualité hors-norme de ses vins fait d’elle une productrice très convoitée.
L’ensemble du domaine est exploité en agriculture biologique et les méthodes les plus respectueuses de l’environnement sont de mise. Par exemple, désherbant, insecticide et anti-pourriture sont proscrits depuis les années 1990.
Sylvie nous accueille à bras-ouvert dans l’enceinte de sa propre maison puis nous invite à descendre à la cave.
“ Ce qui se passe dans la cave reste dans la cave “ lance-t-elle une fois tout le monde dedans. En effet, l’ambiance est presque à la confidence. Le petit groupe que nous sommes s’accroche au moindre mot prononcé par Sylvie Esmonin.
A l’affût de révélations sur l’élaboration de ses vins, nous l’écoutons religieusement.
Tout d’abord, elle commence par un petit point sur les vendanges 2018, clôturées il y a peu.
“Tout le monde a le sourire” dit-elle. Elle explique que les conditions de vendanges ont effectivement été parfaites et que, globalement en Bourgogne, le climat de l’année a été clément. Elle nuance son propos en soulignant les effets du changement climatique. En effet, il semblerait qu’il n’y ait plus de demi-saison, et que les transitions parfois brutales aient des conséquences néfastes sur la vigne. En 2018 par exemple, l’hiver a bien duré : le 1er mai, sous un thermomètre affichant 2°C, les vignes ont subi une gelée.
En Côte de Beaune et Côte de Nuits, les quantités récoltées sont de moyennes à importantes, impactées par ledit gel de mai et quelques épisodes de grêle.
Bien qu’ayant été touché par le mildiou, le vignoble de Sylvie Esmonin ne déroge pas à la règle et son rendement s’établit entre 36 et 40 hectolitres à l’hectare.
C’est un beau millésime mûre ajoute-t-elle.
S’il est encore trop tôt pour parler du caractère du vin, le millésime 2018 a donné des fruits incroyables et le jus qui en est extrait se pare déjà d’une belle couleur.
Quelle hâte de le découvrir !!
Puis, comme le dit le père Esmonin “ La vérité se fait dans le verre”. Alors nous sommes passés à la dégustation.
16 novembre 2018, 11h28 – Dégustation
Selon Sylvie Esmonin, en Gevrey Chambertin les vins doivent révéler une certaine puissance. Le style Esmonin se définit ainsi : des vins expressifs, racés, avec un important potentiel de garde.
Pour atteindre cet objectif, la productrice vinifie une partie de son vin à partir de grappes entières, c’est-à-dire en laissant les rafles (30% à 80% en fonction des années et des cuvées). Cela leur donne un caractère tout à fait original, une expression fidèle du terroir. Elle ne cherche pas la régularité dans ses cuvées, mais plutôt les marques propres à ses terres et au millésime travaillé.
On commence cette dégustation par le millésime 2017.
Il s’agit seulement d’échantillons puisque le millésime 2017 termine sa macération en cuves et va passer l’hiver au frais avant d’être mis en bouteille au printemps 2019.
Sylvie nous précise que les bouteilles de 2017 seront à ouvrir avant celles de 2015 et 2016.
En effet, 2017 est marqué par une belle fraîcheur et une grande buvabilité. Très sur le fruit, c’est un vin croquant qui saura s’apprécier relativement rapidement.
Gevrey – Chambertin Villages 2017
Elaboré à partir de 30% de raisins entiers, et issus de vignes cinquantenaires, le Gevrey Village vient “mettre en appétit”. Le nez délicat s’exprime sur des notes pétrolées.
En bouche on est marqué par sa grande fraîcheur. Une légère amertume se ressent. C’est un vin très digeste. Enfin, l’acidité persistante vient rappeler la jeunesse de cette cuvée qui va pouvoir se garder 7-8 ans.
Gevrey- Chambertin Vieilles Vignes 2017
Pour cette cuvée, Sylvie Esmonin utilise les baies des vignes âgées d’au moins 100 ans.
En retrouvant la même signature que le précédent, ce vin prend une tonalité minérale, perceptible dès le nez. Des arômes salins viennent réhausser la fraîcheur en fin de bouche. On le sent encore fermé. Une attente d’une dizaine d’années saura le rendre moins timide.
Clos Saint Jacques 2017
Voici la grande cuvée de Sylvie Esmonin, élaborée avec minimum 50% de grappes entières !
Le Clos Saint-Jacques fait partie du fleuron des appellations de Gevrey-Chambertin.
La particularité de ce terroir, et ce qui en fait sa force, c’est son exposition. En effet, les vignes ont droit à 1h de soleil en plus par jour, ce qui permet d’obtenir des baies d’une rarissime concentration. Cette petite parcelle de moins de 7 hectares est divisée en 5 “bandes” qui appartiennent chacune à un producteur différents. Ainsi, avec 1.60 ha, Sylvie Esmonin en possède la 2ème plus grosse partie.
Désignée comme un Premier Cru, on lui revendique souvent l’étoffe d’un Grand Cru de Bourgogne. En effet, il est dit que même les mauvaises années, une cuvée de Clos Saint-Jacques sera toujours bonne.
Le millésime 2017 s’ouvre sur un bouquet complexe. On change littéralement de registre. On retrouve l’importante fraîcheur et la minéralité. Des notes caillouteuses de silex, du boisé et un côté presque fumé viennent élargir le spectre olfactif.
Le Clos Saint-Jacques se distingue également en bouche. Sa structure est bien plus ample que les cuvées précédentes. La légère amertume a totalement disparu et laisse s’exprimer le côté iodé. Cette salinité offre une belle suavité à ce vin. Enfin, la trame tannique bien présente et précise, ainsi que l’acidité prononcée, révèlent un grand potentiel de garde. C’est un vin d’une grande finesse.
Après cette dégustation horizontale, nous restons sur Clos Saint-Jacques pour découvrir des cuvées plus anciennes.
Clos Saint-Jacques 2016
Cette cuvée est la dernière qui a été mise en bouteille… il y a à peine 7 mois !
L’effet millésime est très remarquable sur ce vin. En effet, contrairement à 2017, 2016 est un millésime chaud. Ainsi, sans perdre de sa fraîcheur, le vin prend une tournure plus gourmande, avec plus de rondeur. Et, bien que le côté minéral reste présent, les arômes de fruits frais sont plus insistants. Cela vient notamment de la méthode de vinification, basée sur les raisins entiers, qui fait ressortir le véritable goût des baies.
Clos Saint-Jacques 2010
“On ne peut pas avoir beaucoup de vieux millésimes et beaucoup d’amis” rappelle très justement Sylvie Esmonin au moment de l’ouverture de cette bouteille.
L’évolution liée à l’âge commence à apparaître. En effet, la robe du Clos Saint-Jacques 2010 a pris une teinte légèrement tuilée.
Au nez, la complexité est saisissante. En plus des arômes ressentis précédemment, des notes presque épicées viennent accompagner la fraîcheur un peu moins soutenue.
Des arômes de cannelle, de clou de girofle et presque musqués s’entremêlent d’une harmonieuse manière.
En bouche on trouve un vin d’une grande pureté. La matière est ample, d’une belle mâche avec des tanins qui continuent à se fondre.
C’est un vin d’une belle profondeur. On croirait avoir gardé la sève, l’essence du Clos Saint-Jacques. La dégustation se termine en beauté !
Après cette savoureuse expérience, nous sortons de la cave.
En revenant à la surface, je jette un coup d’oeil au Clos Saint-Jacques accolé à la maison. A ce moment je suis alors très consciente de la chance que j’ai eu de vivre cette expérience, tant sur le plan humain qu’organoleptique. Un coup de vent me sort de mes pensées. Retour à la réalité.
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