L’équipe de Cavissima a eu le plaisir de découvrir le nouveau millésime primeur 2022 de Bordeaux lors d’une semaine de dégustation riche en enseignements.
Bordeaux 2022 : quels résultats après cette année de sécheresse ?
Nous sommes arrivés avec en tête les fortes chaleurs du printemps et de l’été 2022 et la crainte de trouver des vins aux forts taux d’alcool, manquant de fraîcheur. La sécheresse nous faisait également craindre à des volumes en forte baisse.
Le résultat est bien différent ! Certes, les taux d’alcool peuvent parfois être élevés mais la vigne est une plante remarquable qui s’est extrêmement bien adaptée aux fortes températures et aux épisodes caniculaires. Les propriétés nous parlaient toutes de la résilience de la vigne et de sa capacité à s’adapter au changement climatique. La vigne a su plonger ses racines dans le sol et puiser dans les réserves d’eau. En effet, rappelons que l’année 2021 avait fait le plein de pluie !
Nous avons globalement trouvé des vins possédant beaucoup de matière, des structures tanniques remarquables et de la fraîcheur. 2022 sera sans conteste un grand millésime de garde.
Les terroirs sont mis à l’honneur, ils marquent fortement ce millésime. Les grands terroirs explosent en bouche, les bouquets sont flatteurs et les couleurs d’une intensité et d’une profondeur qui nous rappellent les grands millésimes.
Quels sont les défis de cette campagne ?
1 – Des volumes restreints
La production de vins de Bordeaux en 2022 s’élève à 410 millions de litres. Cela représente 15 % de moins que la moyenne des 10 derniers millésimes. Certes, ces volumes sont en hausse par rapport à 2021 mais cela n’en fait pas un millésime aux larges volumes.
Cette baisse est la conséquence d’un millésime aux fortes chaleurs accompagnées de peu de pluie.
Le tableau ci-dessous nous montre bien que les températures sur cette année 2022 sont largement supérieures aux années précédentes dès le mois de mai.
Les températures à bordeaux pendant le cycle végétatif
Source : @GavinQuinney / gavinquinney.com
A cela s’est ajouté un manque de pluie très important. Le volume de pluie a été divisé par 2 par rapport à 2021. Juillet n’a eu que 3 millimètres de pluie !
La sécheresse s’est installée très tôt, ce qui a certainement aidé la vigne. En effet, elle a ainsi pu s’habituer progressivement à ces épisodes caniculaires, les racines allant très tôt puiser profondément l’eau nécessaire.
Le résultat : les baies sont petites, très concentrées et les peaux sont épaisses. Les domaines se sont adaptés également au niveau des vinifications en limitant les extractions. La vigne avait déjà fait tout le travail pour avoir des vins d’une concentration remarquable, pas besoin d’en faire plus.
Il est également important de noter que les châteaux baissent les quantités mises en marché en primeur. Cette tendance semble s’accentuer et créer une tension supplémentaire sur les volumes.
2 – Le travail au vignoble et au chai
Ce n’est un secret pour personne, les saisons sont de plus en plus chaudes. Les vignerons ont su s’adapter ! C’est la première fois que nous notons un vignoble aussi vert ! Historiquement, la tendance était au désherbage (chimique ou non). La moindre herbe était à proscrire. Aujourd’hui, le couvert végétal est présent sur tous les grands terroirs. Celui-ci permet de maintenir de la fraîcheur, une optimisation des faibles pluies comme dans un millésime comme 2022. Les châteaux ayant mis en place de l’agroforesterie démontre par la qualité des vins que ces techniques sont bénéfiques même si ces projets sont pour le long terme, comme nous le rappelait le Château Cheval Blanc.
Cette année 2022 a produit des baies d’une concentration remarquable. Au chai, il est impossible d’appliquer les mêmes techniques que sur un millésime comme 2021 par exemple. Certains châteaux ont parfois accentué fortement la vinification en effectuant de nombreux pigeages ou de remontages. Les meilleurs vins sont souvent ceux pour lesquels le maître de chai a laissé faire la nature, en limitant ses actions sur ces jus qui avaient tout.
3 – Quel critique suivre ?
Il y a une dizaine d’années, un grand critique faisait l’unanimité : Robert Parker. Son influence était si grande qu’on a même reproché aux châteaux de produire des vins pour le palais de ce grand critique.
Suite à sa retraite, son héritage semblait se diriger vers Neal Martin. Cependant, depuis son départ du Wine Advocate, son aura semble s’être amoindrie, même si ses notes restent très suivies.
Aujourd’hui, il est primordial de regarder les notes d’un groupe de critiques. Chaque critique va avoir une influence sur des marchés différents. Nous pouvons par exemple citer Neal Martin et Antonio Galloni de Vinous, le Wine Advocate créé par Robert Parker, James Suckling qui est très suivi sur le marché asiatique, Jane Anson pour l’Angleterre, Jean-Marc Quarin pour les marchés français et suisse.
4 – Le positionnement prix
Cette campagne est très attendue. La presse a largement communiqué sur la qualité de ce millésime. Les acheteurs internationaux étaient présents lors de cette semaine de dégustation et représentaient 37 % des 5 300 visiteurs.
Cependant, il est important de garder en tête que la situation économique mondiale n’est pas au beau fixe. Le positionnement prix devra donc être pertinent.
Les acheteurs de Bordeaux sont à 47 % européens, suivis par le marché nord américain. L’inflation que nous vivons et la crise bancaire américaine auront forcément un impact sur les acheteurs.
Une augmentation par rapport au millésime 2021 sera certainement acceptée en raison de la qualité de ce millésime. Attention néanmoins à ce que ces augmentations puissent être absorbées par des marchés en proie à des difficultés économiques.
Cette campagne 2022 s’annonce belle avec des vins d’une grande qualité. Les acheteurs semblent attendre beaucoup de ce nouveau millésime. Espérons que l’offre puisse répondre à la demande.
PRIMEURS BORDEAUX 2022